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Le meilleur de Serge ULESKI : société, politique, art et culture

Etre au monde, oui ! Mais sûrement pas de Ce monde ! Plus de 18 années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs, aujourd'hui sur Overblog... Durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités. Bonne découverte à tous !

Comme l'absence est lente !

 

 

           Comme l'absence est lente. Elle s'écoule sans fin. Un fleuve à l'eau verdâtre et croupie, mauvaise à boire : un vrai poison, cette absence !

 

 

***

 

           Elle n'a pas oublié l'état de rêve dans lequel elle baignait, intimidée par ce malaise délicieux, à lui tout entière dans le tremblement indéfinissable de l'embarras de leur première rencontre. Elle n'a pas cherché à contenir ce désir affolé, cette flamme fébrile et claire surgie d'une braise brûlante de découverte, volutes de l'enchantement et de l'émoi. Elle n'a pas refusé cet instant suspendu, cette convulsion qui l'a cueillie au passage, un après-midi.


Comme elle s'y est engouffrée avant de s'y enfermer, absorbée, avec une hâte juvénile et déterminée, dans ce désir effréné que tous deux assouvissaient dans la solitude !


Le temps d'une vision crue et brutale qu'aucune retenue ne peut voiler, elle le voit tel quel... ce corps d'une clarté sans ombre. Et quelle nudité ! Une révélation, cette nudité qui prenait racine dans un sursaut d'étonnement tendre et joyeux ! Un enchantement, ce désir qui faisait que le corps de son amant, grand et robuste se détendait et qu'il devenait enfin possible de l'approcher, de l'apprivoiser, de le découvrir de fond en comble et de s'en troubler. Ce corps était capable de faire taire tous les scandales d'une bienséance supposée bafouée et jugée comme telle par ceux qui n'ont pour seule connaissance de leur propre corps et accessoirement de celui de leur partenaire, que la somme de leur incapacité à pouvoir l'appréhender, faute d'imagination et d'application.

Le temps d'une buée fiévreuse dont elle a longtemps pleuré la privation, voilà que l'image réfléchie à l'infini de son immense et beau secret s'imprime et achève de la dissoudre. Aucun effort. Dans un long soupir, profond et lourd, elle ferme les yeux. Une envie sauvage arrache ce qui lui reste de raison. Tout se met en place au premier désir, à la première volonté : son regard à lui, son sourire, sa voix comme un espoir qui déroule le tapis rouge de son enchantement, sûr de lui, virtuose dans ses caresses et puis, la lumière et la pénombre une fois les rideaux tirés, elle, blottie sans pudeur, réfugiée contre lui, acceptée sans condition ou bien à la seule condition qu'il le soit aussi.

Une main la guide sur le chemin à parcourir. Ses doigts à fleur de peau affinent le relief et les contours et assurent une cadence, un rythme soutenu vers une ascension certaine et puis, une autre main pour ne pas être en reste avec tout ce qui porte à rêver, tout ce qui ouvre, tout ce qui entre et se referme dans la confusion d'un monde reconstitué dans l'urgence ; membres ivres de consentement qui ne desserreront pas leur étau avant la combustion du désir qui emportera et aura raison de tout, une perle de sueur sur le front venue témoigner de l'effort consenti et de la chaleur ainsi provoquée comme une dernière preuve d'existence dont personne ne pourra souiller la raison d'être.


Car elle s'enfonce maintenant dans ce qui lui reste d'intact et de vivant : cette partie d'elle-même inviolable, inatteignable, à l'abri de toutes les violences, de toutes les humiliations, de toutes les déceptions quand de la solitude étouffante on souhaite sortir à tout prix pour s'empresser de retrouver les mille et une caresses qui l'ont tant de fois menée là où pour rien au monde elle aurait souhaité céder sa place et à la sienne, ne pas l'y trouver pour l'avoir tant désiré comme on convoite le bien d'autrui, sans scrupules, jusqu'à tout immoler, avant de rejoindre une jouissance éprouvée et indéfinissable, étroitement mêlée à l'angoisse de ne plus pouvoir en renouveler l'expérience...

 

***

 

          Dieu ! Pourquoi cet étonnement soudain, ce retour haïssable vers tout ce qui nous blesse et nous rabaisse ? Mais... où était-elle partie ? D'où revient-elle ? Que lui est-il arrivé ?

Rien. Presque rien. Quand on a pleuré une privation cruelle et douce et assouvi un désir qui n'aura sans doute rien résolu mais qui lui aura permis un court instant de ne pas désespérer de tout et d'elle-même, eh bien, dans ces moments-là, on sèche ses larmes avec la paume de ses mains, on sourit presque, car on se sent plus léger et la peine est moins étouffante, une fois la douleur atténuée.

 

 

_______________________________

 

Extrait du titre : " Cinq ans, cinq nuits"

 

           A propos de l'ouvrage... cliquez Cinq ans, cinq nuits

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