10 Juillet 2023
Billet rédigé en 2020
« Le bureau des Légendes » (LBDL) qui attaque sa 5è saison (1) est une série télévisée française créée en 2015 par Eric Rochant - réalisateur un temps remarqué pour son premier long métrage «Un monde sans pitié » à la fin des années 80 (mais ça c’était avant, bien avant car depuis,… rien de notable sinon une fascination à peine cachée pour les services secrets israéliens).
C’est Canal qui a l'exclusivité de sa diffusion.
Voici son pitch : « Au sein de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), un département appelé le Bureau des légendes (BDL) forme et dirige à distance les « clandestins », les agents les plus importants des services du renseignement extérieur français. En immersion dans des pays étrangers, ils ont pour mission de repérer les personnes susceptibles d'être recrutées comme sources de renseignements. Opérant dans l'ombre, « sous légende », c'est-à-dire sous une identité fabriquée de toutes pièces, ils vivent de longues années dans une dissimulation permanente.
Guillaume Debailly revient d'une mission clandestine de six années en Syrie, mais contrairement aux règles de sécurité, il ne semble pas avoir abandonné sa légende et l'identité sous laquelle il vivait à Damas. » - dixit Wikipedia
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Mais alors… qu’est-ce que c’est que cette série ? Que peut-on écrire à propos de cet objet si facile à identifier et à cerner ?
Malhonnête sur le fond, bien que la forme soit crédible, LBDL serait une série « commandée et financée » par la DGSE et le ministère des armées pour susciter des vocations, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement ! En effet, Rochant et son équipe de scénaristes ne reculent devant rien pour nous expliquer à quel point nous tous devons notre sécurité (DGSE- DCRI entre deux attentats bien sentis quand même et quelques otages exécutés !), à cette DGSE car LBDL est bien un véritable hymne à la gloire des services secrets de notre belle France, à son personnel, à leurs sacrifices et leur engagement sans faille.
Aux scénaristes de cette série, et même s’il est trop tard, on leur conseillera vivement d’aller se ressourcer auprès d’un Kubrick ou d’un Coppola ; deux réalisateurs qui ont toujours su que le patriotisme politique d’Etat est le refuge des crapules, et plus encore, lorsque ce patriotisme vit et prospère sur le dos de la justice et du droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes.
Grand Jeu, version pour petits joueurs, islamisme en veux-tu-en-voilà, djihadisme aussi... série écran de fumée, pour cette raison, on n'ose imaginer le profil des auteurs-écrivaillons-démagogues derrière cette série qui n’explique rien des enjeux géopolitiques de ces 20 dernières années, à avoir : qui fait quoi, à qui, où, comment, pourquoi et pour le compte de qui.
Au service d’un Etat pompier-pyromane directement responsable, ou bien en tant que sous-traitant, ou bien encore complice, notamment de la destruction du Moyen-Orient, la DGSE depuis les années 50 a bien dû violer, n’en doutons pas un seul instant, toutes les lois internationales, toutes les règles les plus élémentaires de la démocratie ainsi que toutes les Constitutions… (comme... respecter le résultat des élections dans un pays tiers, africain en particulier) au nom de l'intérêt supérieur des véritables "patrons" de notre classe politique : les Multinationales ; sans oublier le nettoyage et autres camouflages tout terrain des turpitudes de cette même classe comme le financement des campagnes électorales de pays étrangers, clients de nos multinationales, à charge pour les heureux élus d'accepter de financer les nôtres de campagne, principalement présidentielles.
Dans LBDL, chaque action illégale de la DGSE a pour justification un acte commis par « le camp d’en face » jugé plus répréhensible encore aux yeux d'un téléspectateur moyen, très moyen, un quidam adepte des séries à rallonge. Chaque acte trouve, côté DGSE, sa justification dans l’argument du moindre mal ou encore « d’un mal pour un bien ». Rien de nouveau sous le soleil puisque c'est là, depuis toujours, le procédé utilisé par tous les Etats pour justifier leurs agissements criminels une fois acculés car démasqués, et c’est aussi, dans toute fiction, un procédé perfide qui permet de s’acheter une bonne conscience et de l’afficher auprès d’un public constitué de pauvres bougres qui n’ont pas idée : une audience francophone abrutie - tranche des 30-40 ans - , par dix années de propagande anti-arabe et anti-musulmane, face à une autre propagande pro-israélienne et américaine celle-là, dans la grande tradition de ce que les médias de masse nous servent à longueur de journée.
Une DGSE à cible unique que celle de Rochant et de Canal+ : l’Arabe, musulman de surcroît ; cible prometteuse, c’est sûr, du point de vue de l’audience, l’islamophobie et le racisme ne s’étant jamais aussi bien portés ; en revanche, Rochant évite soigneusement les sujets qui fâchent : les agissements de la DGSE sur le Continent africain dont le sol regorge de richesses, dans le cadre de la gestion de ce qu’on appelle la Françafrique, chasse gardée de nos multinationales, qui se résume à ceci : infantilisation de toute une région, corruption, déstabilisation, coups d’Etat sous faux drapeaux, assassinats et pillage..; une fois les oppositions neutralisées…
Rappelons une nouvelle fois que nous ne sommes pas dupes : le bashing musulman et arabe est certes plus porteur surtout auprès des abonnés de Canal+ ; clientèle des films de Clint Eastwood qui n’a pas hésité à plébisciter son "American sniper" pour imbéciles patentés.
Une DGSE dont les préoccupations sont identiques à celles des USA, d’Israël (3) et en partie, celles de l’Arabie Saoudite ; comme quoi, le Quai d’Orsay de ces 20 derniers années a trouvé avec cette série un soutien non négligeable, depuis que notre politique étrangère ne recueille l'assentiment et le respect que des salauds, des voyous et autres crapules des pays susnommés.
L'Iran (pays à détruire d’une manière ou d’une autre s’il refuse de se soumettre au modèle suivant « sexe, drogue, rock’n’roll et femme à barbe»), la Syrie, le Sahel, l’Etat islamique, Daesh, les Salafistes, la Libye, l'Irak... tous sont là : il ne manque personne ! Il est vrai que sans ces derniers, le monde serait tellement plus sûr - paix sur terre aux hommes de bonne volonté ! Américaine cette volonté sans aucun doute après la destruction par ses soins des pays pré-cités avec pour conséquences : des morts par millions - arabes et musulmans : cherchez l'erreur et la coïncidence ! - et des sans-patrie jetés sur les routes du Moyen-Orient, direction Europe.
Merci oncle Sam ! Merci Europe supplétive ! Merci à tous !
De cette production anti-arabe et anti-musulmane (et anti-Poutine et anti-Trump par la même occasion car... pourquoi faire les choses à moitié - 2) dont Gilles Kepel semble être le conseiller (il sera fait mention d'un ouvrage de cet auteur auto-proclamé "spécialiste du djihadisme" pour lequel "islamisme" rime avec " opportunités d'édition et de carrière médiatique"), dans le contexte de la France de ces dix dernières années, on peut dire qu’elle est la continuation par d'autres moyens de "Charly Hebdo à la sauce Philippe Val" ! Pas étonnant donc que cette série fasse l'unanimité ; c’est là encore tout ce que nous servent les médias toute la journée depuis deux décennies.
Côté trahison, car dans le "renseignement" c'est inévitable, les scénaristes n’ont accouché que de deux cas de figures, français qui plus est : deux agents-doubles DGSE-CIA : un homme et une femme (trahison en faveur des Américains bien sûr car enfin, quel Américain de la CIA viendrait proposer en toute honnêteté ses services à la DGSE ? C'te bonne blague !). Vous parlez d’une trahison ! C’est un peu comme aller dépenser son argent chez Auchan-hypermarché alors que l’on ne fréquentait jusqu'à présent que le Casino-market de son quartier : c’est la même politique à une échelle plus dévastatrice encore : plus de produits référencés, certes ! mais plus de morts ; et cela reste la même junkfood.
Dans "Le bureau des légendes", on ne pourra pas ne pas noter, comme un fait exprès, que tous les méchants sont arabes et musulmans surtout lorsqu’ils souhaitent défendre leur religion, l’intégrité territoriale de leur pays, ses intérêts et ses richesses car Rochant s'attache aux effets mais jamais aux causes, bien évidemment ! Puisque c'est là que les ennuis commencent lorsqu'on tente de dénoncer des faits et d'établir des responsabilités... jusqu'à nommer les protagonistes ; rien à sauver donc chez ces Arabes et Musulmans excepté lorsqu’ils travaillent pour l’Occident : comprenez : lorsqu’ils choisissent de trahir. A ce sujet, on peut se demander quels peuvent bien être la motivation et l'intérêt d’un français de Seine saint-Denis d'origine algérienne, d’espionner le pays de ses origines pour le seul profit de l’Occident et de la France en particulier quand on connaît les conditions d'existence qui sont les siennes ?
Mystère !
Car, LBDL, cette petite sœur de Homeland - série US remake d'une série israélienne (« Vous avez aimé Homeland, hymne à la gloire de la CIA, vous adorerez LBDL ! ») - pourrait tout aussi bien être, lui-aussi, une adaptation d’une série israélienne qui aurait pour titre « Flinguez-moi tous ces Iraniens, tous ces Arabes et tous ces Musulmans qui ne veulent pas qu’on leur vole leur pétrole, leur terre, qu'on les humilie eux et leur religion et qu’on détruise leurs pays !… »
Quant aux acteurs qui sévissent dans cette série... acteurs sortis tout droit d’un lavage de cerveau dans un centre de formation de la DGSE… confronté à ce qui nous est donné de voir et d'entendre, force est de conclure ceci : tous avaient des loyers, un prêt immobilier, des impôts en retard à solder ! Trouvons-leur au moins cette excuse !
Comme quoi les acteurs de cette série confirment ce qu’on soupçonnait à propos de cette profession : tous sont prêts à "tourner" n'importe quoi pourvu que la paie soit bonne et que leur engagement leur permette de remplir leur quota d'heures pour assurer leurs droits à l'assurance chômage, entre deux engagements.
Prenons le cas de Jean-Pierre Darroussin (acteur de seconde zone et de second choix ! Toujours là pour passer le balai et la serpillière en chantonnant " Un air de famille" ?) bien qu'il soit sans doute le meilleur acteur - ou bien le pire alors ! - de cette gabegie ; un Darroussin choyé car la production lui a collé une épouse qui pourrait être sa fille, voire sa petite fille (on espère qu'il en a un peu profité entre deux prises, parce que... sinon, à quoi bon ?) : "Buvons au démantèlement de l'arsenal nucléaire de l'Iran" s’exclamera Darroussin, une coupe de champagne à la main. Alors que…. Syrie, Libye, Irak... privé de « la bombe », l'Iran a définitivement du souci à se faire...
Mais alors : petit acteur au service de grandes causes ce Darroussin ?
Soyons pusillanimes à son sujet car, de sa bouche, tout nous est dévoilé.
Quant à cet autre acteur, Mathieu Kassovitz... alias Paul Lefèvre (héros en saison 1 – petit « traître » chiasseux en saison 2), on peut affirmer sans risquer de se tromper qu'il est bel et bien rentré dans le rang ; après quelques années de diète cinématographique, il a manifestement compris la leçon depuis ses interventions très médiatisées à propos de ses doutes quant à la véracité de la version US des événements du 11 Septembre 2001 ; doute que la profession a manifestement eu du mal à lui pardonner.
Série typique d'un abonné à Canal+ (porno, foot et le « tout venant » cinématographique français, 80% de films américains tout aussi médiocres et quelques films d’auteurs étrangers doublés car le sous-titrage, c’est fatiguant pour l’abonné Canal !), le succès de cette série ne surprendra personne puisqu’il témoigne du niveau d’ignorance auquel l’immense majorité des clients des chaînes privées et publiques est parvenue ; désinformée, dépolitisée, dé-conscientisée ; people-isée comme jamais, cette population incarne toutes les raisons au monde de désespérer de l’avènement d’une quelconque prise de conscience à la fois humaniste et politique - géo-politique, devrions-nous dire ! - qui verrait les responsables des actions de l’Otan sous commandement américain des 20 dernières années traînés devant une cour pénale internationale pour crime(s) de guerre, voire… crime(s) contre l’humanité.
Pour être allé sur la Page Facebook de la série y lire les commentaires déposés, tout le confirme : il s'agit bien d'une série pour une audience qui n'a aucune culture politique, historique et aucune idée des enjeux géostratégiques, principalement énergétiques et religieux, liés à la continuation de la domination des USA au mépris de la moindre lueur d’espoir de parvenir un jour à construire un monde plus juste et plus sûr, un monde où le partage des responsabilités n’est pas considéré comme une faiblesse et une perte de puissance.
Succès donc pour cette série ! Télérama est fan bien sûr : un Télérama de tout temps lâche face à la dictature du politiquement correct, snob et méprisant face aux faibles...
Et plus surprenant cette fois-ci : Le Monde diplomatique, lui aussi contaminé ; il a finalement baissé les bras. Qui l’eût cru ? Comme quoi, tout arrive à qui sait attendre car tous y viendront : les uns par intérêt, les autres par bêtise ; Le monde diplomatique qui n’est plus lu par la gauche, la vraie, a maintenant pour abonnés les lecteurs du Figaro et de Marianne. Sans doute ce mensuel n’oublie-t-il pas non plus les subventions qu’il reçoit de l’Etat, c'est-à-dire nous, les contribuables !
Et puis enfin : cette série peut s’apprécier à l’aune de deux ou trois critères ; ou pour le dire autrement : « Dites-moi qui vous êtes et je vous dirai quelle idée vous vous faites de cette série»; êtes-vous informé, beaucoup, un peu ou pas du tout ? Etes-vous capable d’établir un lien de cause à effet ? Avez-vous une bonne mémoire ?
Selon les réponses, pour un Américain, un sioniste, un Juif, un Israélien et/ou un imbécile, c’est à l’ombre de la bannière étoilée ou du drapeau israélien planté au beau milieu de son salon, qu’il regardera, exalté "Le bureau des Légendes" aux cris de « Israël vaincra ! » et « God bless America ! ».
En revanche, un Musulman, un Arabe, un téléspectateur affectivement et culturellement proche d'une région qui s’étend disons de la Libye à l’Afghanistan… prendra très vite la décision de balancer son téléviseur par la fenêtre du salon aux cris vengeurs de : « Allez donc tous vous faire foutre ! » avant de lancer à la cantonade : « Allahou akbar ! »
Et les autres, ni Arabe, ni Juif, ni Musulman, ni Américain, ni rien, c’est-à-dire tout, entre deux éclats de rire et une grimace, n'hésiteront pas à adresser un doigt d’honneur à tous ceux qui auront trempé dans le bain de bêtise, d'ignorance et de mauvaise foi de cette série.
Et c'est alors qu'une vérité s'impose à nous tous : si l'on peut toujours trouver moins traître que soi, on peut aussi trouver beaucoup plus traître ; en l'occurrence ceux de la DGSE et du quai d'Orsay de ces vingt dernières années ; une DGSE instrument d'une politique étrangère de la France que l'on doit pouvoir qualifier de trahison... trahison de notre tradition diplomatique d'équilibre et d'indépendance (tradition gaullienne, de l'appel du 18 juin jusqu'à la sortie de l'Otan ?) qui reconnaît la nécessité de "partager la responsabilité" de la conduite des affaires du monde, notre monde à tous, avec toutes les puissances susceptibles d'assumer cette responsabilité. Et cette trahison n'aura rien de légendaire quand le moment sera venu de se pencher sur l'histoire de la diplomatie française à partir des années quatre-vingts.
A ce sujet, cette série aurait pu se fixer comme objectif (comme mission !) la dénonciation de cette trahison sans équivoque : celles de nos élites toujours tentées depuis les années 30, et pas seulement, de vendre notre pays au plus offrant : carrière, argent, prestige ; sans oublier leur haine des classes populaires. Des élites jamais en panne de serviteurs-larbins qui ont l'immense orgueil ou la bêtise de se croire flamme alors qu'ils ne sont que suie : la couleur même de leur résignation et de leur soumission ; noire cette suie que laissent derrière elle des dégâts sans nombre ... comme la crucifixion de notre fierté et de notre indépendance nationales.
Et c'est dans cette dénonciation que "Le bureau des légendes" aurait pu trouver son utilité, tout en sauvant son honneur.
Dans ce manque de connaissance historique, d'ambition et de courage, on y trouvera une raison de plus de qualifier cette série d'attrape-nigauds ; quant à l'équipe des scénaristes... cette dernière aurait été bien avisée de garder à l'esprit la recommandation suivante - anglaise de surcroît : "Don't bite off more than you can chew (Ne jamais mordre plus qu'on ne peut pas avaler).
1 - L'auteur a visualisé les 5 saisons
2 - Poutine n'a eu qu'un seul tort : c'est d'avoir refusé qu'on lui vole son gaz et son pétrole ; refusé de mettre sa main d'oeuvre à 150 euros mensuel à la disposition des clients de l'oligarchie mondiale ; quant à laisser son territoire se faire dépecer et son influence dans le monde s’étioler pour le seul bénéfice des USA, de l'Arabie Saoudite et d'Israël, là encore, il a tenu bon : "Niet ! Niet ! Niet !"
3 - Israël dont il n'est fait aucune mention dans les deux premières saisons, alors que toutes les actions ont lieu dans son potager qu'est cette région du Moyen-Orient ; et là, on peut être tentés d'en conclure que Rochant et les producteurs de la série, dans une sorte d'esprit oecuménique à caractère confessionnel, n'ont manifestement pas souhaité se priver de quelle qu'audience que ce soit car... il les leur faut tous ! La rentabilité de cette opération l'exige.
4 - Abonné-membre de ce qu’il est maintenant convenu d'appeler « la confrérie des nouveaux ploucs » ; rien de commun, soit dit en passant, avec les anciens ploucs rétrospectivement respectables et plutôt sympathiques, réhabilités par les Deschiens.
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Pour prolonger, cliquez : Les clandestins de la DGSE