Etre au monde mais sûrement pas de Ce monde !........Quinze années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs sont réunies ici. Durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités.
8 Juillet 2021
Exutoire sans foi ni loi, opium d'un public abstentionniste, mentalement désoeuvré, le plus souvent sans conscience politique et sociale, année après année, force est de constater qu'il n'y a plus rien à sauver dans le football - ni les joueurs, ni les supporters, ni l'arbitre - pas même le ballon ! et ce depuis des lustres d'autant plus que personne ne sort grandi d'un match de football, excepté le pire : racisme, insultes, beuverie, casse, triche et disgrâce...
Un seul antidote à cette calamité : le tour de France et son petit peuple enjoué, paisible et fraternel, toutes nationalités confondues.
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Ouvert à cent quatre-vingts pays répartis sur deux continents, avec en prime, un ou deux Australiens venus tenter leur chance...
Né du sol, de la terre et de l’histoire d’un pays, la France... le Tour c’est une boucle, la Grande Boucle qui ne finit jamais là où elle a commencé : mer, montagne, plaine, vallées, cols, montées, descentes... des Pyrénéens aux Alpes, de Lille à Montpellier.
En grappe indissociable, ou bien solitaire après une échappée, loin d’un peloton décidément trop attentiste, les petites jambes, comme ailleurs les petites mains, celles d'une ruche travailleuse aux couleurs des maillots des sponsors - et pas toujours pour un salaire en or -, veillent au grain, protègent et couvent leurs leaders pour lesquels tous pédalent. Et cinq heures de selle plus tard, les jambes aussi lourdes qu’une responsabilité quand elle est collective, le visage tuméfié, écarlate, c’est le témoignage d’un Tour de France véritable tour de force qui nous est rapporté là, dans des interviews données à bout de souffle, grimaces et douleurs, car le Tour n’épargne personne, même les plus talentueux.
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Entre deux crises et scandales autour du dopage, le Tour demeure infatigable ; depuis sa première épreuve en 1903, ce sont 2000 étapes et prologues qui ont été courus, 350 000 km, soit approximativement la distance terre-lune.
Le Tour c’est aussi le carnaval avec sa Caravane aux milles gadgets et autres produits dérivés de sponsors qui n'oublient jamais le prix de l'investissement consenti ; une caravane privée de chameaux et de dromadaires avec pour seul désert le sable d’un bord de mer, le long d’un littoral hilare à cor et à cri, dans le bruit et la fureur de vivre le passage toujours trop court (et trop rapide en plaine) de 180 cyclistes casqués, 180 "forçats de la route" partis à l’assaut du granite, du marbre, du goudron, sous la pluie, le soleil, le vent.
Une seconde d’inattention, une mauvaise trajectoire, et c’est la chute !
Coppi, Bobet, Anquetil, Eddy Merckx, Poulidor, Indurain... pédalez, pédalez, il en restera toujours quelque chose !
Trois semaines plus tard : les Champs Elysées et une légende.
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Parole donnée, contrat qu'il faudra respecter à la lettre pendant trois semaines pour quelques euros en fin de parcours pour le plus grand nombre, le Tour c'est aussi un engagement qui ne souffrira aucune volte-face, aucun dédit : solidarité et esprit d'équipe devront tout emporter et tout remporter car le cyclisme est bien le sport le plus collectif parmi les sports individuels : seul, rien n'est possible.
Bien que mondial, avec le Tour, le local reprend tous ses droits : du continent au village, du champion australien à l’enfant du pays, de la région, du département, du canton, de la ville d'un des coureurs que le Tour traversera au pas de charge et de course… mieux encore… une étape peut-être !
Fabrique médiatique par excellence - 200 journalistes, hélicoptères, motos et caméras, retransmis dans plus de 180 pays (la communauté onusienne)…
Le Tour de France c’est 100 millions d’Euros de chiffre d’affaires, une centaine de télévisions, quatre mille hommes et femmes travaillant d'arrache-pied pendant trois semaines. Commercial - mais pas plus que les autres épreuves sportives -, on oublie trop souvent que cette entreprise privée qu'est le Tour est sans doute la plus nationale qui soit. Troisième manifestation sportive la plus regardée au monde, c'est dans les années 60 que la Télévision viendra prêter main forte au Tour pour une mise en image de tout un territoire et de tout un public alors encore invisible : tables, chaises, tentes, camping-car, sous un parasol ou sous un parapluie, c’est tout un Peuple que la Télévision nous proposera comme spectacle ; celui d'un enthousiasme frénétique.
Mythologie romantique, Albert Londres, Henri Decoin, Antoine Blondin et d'autres encore, célèbreront le lyrisme de cette frénésie.
Paysages à vous couper le souffle, territoires oubliés, perdus puis retrouvés, de découverte en découverte, le Tour est sans aucun doute la meilleure des vitrines et la plus exhaustive brochure touristique jamais conçue ! Et si sept à quinze millions mobilisés autour de cet événement ne font pas une nation, pour un peu, on en viendrait presque à penser que c'est tout un Peuple qui s’est réuni là, toutes nationalités confondues, au bord des routes ou devant son écran de télévision ; tout un Peuple aux côtés d’un Tour de France réconciliateur et consolateur.
Courir aux côtés des cyclistes, faire un bout de route avec eux, les encourager, hurler qu’ils ne doivent pas relâcher leur effort ; effort quasi sur-humain, le partager, le célébrer... témoigner, avoir été là, tout près, le jour de la victoire du grand champion... irremplaçables ils sont tous ! Car... qui peut nier le fait que sans eux, sans ce petit Peuple du Tour de France, le Tour ne serait plus vraiment Le Tour…
Personne !
Pacifique cet adulte qui court et hurle un « Allez ! Allez ! » altruiste et compassionnel aux côtés d’un cycliste qui rêve d’une victoire et sans doute aussi de repos ! Rien de surprenant à cela : a-t-on déjà vu des armées battre le fer, vaincre, envahir, occuper et dominer des populations entières à bicyclette ?
Là où le football casse, insulte et agresse, le vélo - et sa plus grande fête et son plus grand hommage qu’est le Tour de France -, adoucit les mœurs et les tempéraments, et place un large sourire sur le visage d’un public qui nous réconcilie avec tous les publics et tous les enthousiasmes et tous les sports ; sourire et joie pour une célébration du courage, de l'effort et de l'intelligence tactique.
Pour cette raison, aucune autre manifestation sportive de masse ne peut rivaliser avec le Tour de France.
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