
Né à Paris en 1881 et décédé en 1969 à Sanary-sur- mer (83 - Var), André Salmon aura connu, pour s'y être battu, la guerre de 14-18, puis la défaite et l'occupation de juin 40.
Ecrivain, poète, romancier, journaliste, critique d'art, Apollinaire, Picasso, Max Jacob furent ses amis... la faim et le froid ses ennemis, et la bohème... son unique drapeau.
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Fraternité
Nous rentrions très tard, mêlant
Des vers purs à des chants obscènes
Et l'on s'asseyait sur un banc
Pour regarder rêver la Seine.
Sur l'eau, rien ne vivait encore
Ainsi qu'une ouvrière lasse
Pressant sur son flanc ses fils morts
La Seine dormait dans sa crasse.
Nos cœurs d'ivrognes s'emplissaient
D'une bienfaisante latrie
Si le soleil levant dorait
Les marronniers des Tuileries.
Pour mieux évoquer certains soirs,
Le plâtre et le vin des tavernes
Égayaient nos vieux habits noirs
Et nos plastrons d'hommes modernes.
Alors, ayant honte, vraiment,
De nous connaître aussi lyriques
Nous offrions un coup de blanc
Au balayeur mélancolique.
Vaine ruse ! et l'on découvrait
Dans le balayeur un poète,
Si bien que les verres tremblaient
Sur le comptoir, autel de fête !
Et pour que ce soir sans égal
Fût perpétué, un pandore
En dressait le procès-verbal
Parsemé d'attendus sonores.
(poème d'André Salmon - musique de Charles Aznavour)