21 Septembre 2019
La situation du journalisme en France est considéré comme « satisfaisante » par RSF... ce qui prouve qu’il n’y a rien à attendre de cette organisation en ce qui concerne une véritable critique des médias.
Ce classement nous est donc d’aucune utilité ; en effet, il ne dit et n’explique rien.
Si peu critique à l'endroit de la presse occidentale, ce classement sera-t-il perçu comme une incitation pour les journalistes occidentaux à continuer de mentir par omission, et ce en toute liberté ?
Car enfin... en France et en Europe...
Jamais les journalistes n'ont été autant décrié...
A l'endroit de ceux qui dénoncent des médias sous influence (Etat, annonceurs publicitaires et Oligarchie), jamais la contre-attaque n'a autant usé des termes : extrême gauche, extrême droite, complotiste...
Jamais la presse n'a été autant dépendante du financement de l'Etat...
Et puis enfin : jamais les gardes chiourmes de cette presse sous influence ne se sont autant appuyés sur les pays les plus mal classés par RSF pour relativiser le scandale de la désinformation par omission qui caractérise "un journalisme à la française".
A propos de ce classement de RSF et de ses critères, suggérons ceci : le jour où l'on pourra mesurer l'importance de l'auto-censure chez les journalistes d’une profession qui n'en est quasiment plus une (sinon un moyen comme un autre de faire bouillir la marmite à quelques centaines d'euros par mois pour l'immense majorité de ceux qui possèdent une carte de presse), on pourra alors accorder à ce classement la crédibilité qui lui manque, tout en gardant à l’esprit que les commentaires hyper-complaisants des journalistes (en autres médias... sur France culture dans l‘émission « Secret des sources » du 7 mai 2016) à propos de ce classement ne contribuent en rien à combler ce manque, et notamment ce commentaire-ci : "Le rachat par les Oligarques des titres de presse au bord de la faillite permet à ces titres de ne pas mourir".
Mais pourquoi diable ce sauvetage par l'Oligarchie ?
"Qu'importe l'info pourvu que les titres vivent !" Tel est le raisonnement d'une profession à ce point précarisée que le seul souci d'un journaliste aujourd'hui n'est pas "le journalisme" mais la sauvegarde de son emploi, et pour les plus téméraires d'entre eux : l'espoir d'une place au soleil sur le modèle d'un FOG, d'un Pujadas ou d'un Joffrin ; un même homme du Figaro au Nouvelobs, interchangeable à souhait. Et quand on sait ce que demandera l’accession à un tel poste… on peut déjà craindre le pire quant à la qualité du travail de ce journaliste au fil d’une carrière ascensionnelle.
RSF précise : "Le Classement n’est pas un indicateur de la qualité de la production journalistique."
Défendre un tel parti pris, c’est oublier un peu vite que la presse et les journalistes, ici en Europe, sont instrumentalisés. Faut-il alors en déduire ceci : ce classement de RSF serait un encouragement adressé aux journalistes occidentaux à continuer de "désinformer" qu’il ne s’y prendrait pas autrement ! Encouragement à désinformer en toute liberté, sans entraves ni sanctions - cela va sans dire ! - tantôt pour le compte d'un consensus occidental - Construction européenne, l'Euro, l'hégémonie des USA, l'Otan, Israël, Arabie Saoudite : c'est là le meilleur des mondes qui nous est proposé ! Consensus imposé avec le concours des médias par le privé et le public - en Europe, ces deux secteurs à la fois politique et économique sont chaque jour, jour après jour, difficilement dissociables ; aux USA, ces deux secteurs ont déjà totalement fusionné jusqu'à financer toute élection, du Président au plus petit juge du plus petit comté ; tantôt pour le compte des actionnaires de cette même presse.
Tenez au fait ! Mais que deviennent les secrétaires généraux de RSF ? Leurs parcours, leurs carrières ? Une enquête s'imposerait-elle ?
RSF souligne que trois pays d’Europe du Nord occupent le haut de leur classement, tout en se gardant bien d’expliquer pourquoi.
Si les trois pays d’Europe du nord qui occupent le haut de ce classement sont la Finlande (1ère, comme depuis 2010), les Pays-Bas (2ème, +2), la Norvège (3ème) la raison en est certainement la suivante : dans ces 3 pays, sur quoi et de quoi un journaliste peut-il informer qui puisse justifier dans les milieux d’affaires, dans la classe politique et chez les patrons de presse, le recours à la censure, à la coercition, au chantage au chômage ou à la promesse d’une carrière aussi radieuse que lucrative - la carotte et le bâton ?
Et pour cause ! Dans ces trois pays, pas de passé colonial ni d’Empire néo-colonial (ou de néo-Empire colonial) à gérer ; pas d’industrie d’armement dont il faut assurer la pérennité ; pas de place de leadership à maintenir ; ces 3 pays n’étant pas au centre d’intérêts géo-stratégiques de premier ordre, leur soutien ou non soutien à cet ordre mondial dirigé par les USA et l’Otan importe peu ; ces trois pays sont prospères et peu peuplés et leur société plutôt égalitaire ; de plus, ces pays ne faisant pas partie soit de l’Union européenne et/ou de la zone Euro, aucune pression sur la classe politique et médiatique n'est à déplorer de la part d’une classe économique soucieuse d’imposer un consensus autour de la construction européenne tout en prenant soin de faire taire toute remise en cause de ce consensus...
Et pour finir : l’importance des gains potentiels d’une compromission avec un système de corruption étant sans comparaison avec celle des principales économies mondiales - puissances exportatrices -, dans leur commerce avec le monde, de plus la justice de ces pays étant proprement financée, à quoi bon prendre un tel risque ?
En d’autres termes, ceux qui partout ailleurs ont tout à craindre d’un journalisme digne de ce nom, un journalisme qui dit tout et ne cache rien (si vous voulez connaître la vérité des faits à propos de quoi que ce soit, ne vous trompez pas : enquêtez donc auprès des journalistes et de leurs journaux !), ceux-là ont, dans le contexte de ces 3 pays du nord de l'Europe en tête du classement sur la liberté de la presse, beaucoup moins à redouter d'une presse libre qui emploierait des journalistes libres... dans un monde de contes de fées tout aussi libre...
... cela méritait d'être précisé.
Qu'à cela ne tienne ! Soyons ambitieux ! Hasardons-nous à proposer à RSF un autre type de classement ; un classement non pas sur la liberté de la presse mais bien plutôt un classement sur le taux de satisfaction des opinions publiques vis-à-vis des journalistes car enfin, pour qui un journaliste travaille-t-il donc si ce n'est pour nous tous avides que nous sommes de savoir qui fait quoi, à qui, où, comment, pour()quoi, et pour le compte de qui ?
Rappelons ici ce qui devrait être un engagement pour tous : le premier devoir d'un journaliste n'est-il pas de dire, quand la situation se présente à lui, qu'il ne peut pas nous informer ?
"Chers lecteurs, chers téléspectateurs, chers auditeurs... désolé mais là, je ne peux pas vous informer ou vous en dire plus !" car, reconnaître que l'on ne peut pas son métier est tout aussi important que d'admettre son ignorance et/ou son insuffisance... même si... un tel aveu est réservé à une toute petit minorité composée de ceux qui, lucides, ont compris que l'on est, finalement aussi son pire censeur - comme on peut être son pire ennemi -, par arrivisme, par manque de courage ou pire encore : par incompétence...
Et c'est alors... et c'est ainsi que toute une profession se trouve un beau matin dans l'incapacité d'envisager qu'une autre information puisse être possible ou bien souhaitable car il y a fort à parier que, dans les décennies à venir, l'incompétence des chefs et autres directeurs d'on ne sait quelle rédaction indigente qui aura pour origine une ignorance crasse savamment enseignée, sera rémunérée à coup de millions par des donneurs d'ordre hyper-compétents et omniscients, même si, pour l'heure, c'est bien encore l'arrivisme, un arrivisme mâtiné de lâcheté et de bêtise, qui rafle la mise sur le dos d'un journalisme en berne, un journalisme d'exécutants smicardisés, à la queue basse.
Henri Maler d'ACRIMED : observatoire critique des médias
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