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Le meilleur de Serge ULESKI : société, politique, art et culture

Etre au monde, oui ! Mais sûrement pas de Ce monde ! Plus de 18 années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs, aujourd'hui sur Overblog... Durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités. Bonne découverte à tous !

Les 70 ans et plus de "l'Affiche Rouge" et les jérémiades de Benoît Rayski

 

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          C'est le 70ème anniversaire de l'exécution par les nazis des 22 résistants, fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Une partie d'entre eux sera pris en exemple sur l’Affiche rouge, une affiche de propagande allemande placardée à Paris au printemps 1944, pendant l’occupation nazie. Elle fut tirée à 15 000 exemplaires.

         Cette affiche est composée en haut d'un texte à la forme interrogative et d'un texte en bas en guise de réponse : au centre... dix photos, dix hommes avec pour légende leur nationalité et pour certains d'entre eux, leur appartenance ethnique ; tous font partie d'un groupe de Résistance appelé " Manouchian ", du nom de leur chef : Missak Manouchian. Ce groupe comprend  des FTP (Francs Tireurs et Partisans) ainsi que des MOI (Main-d'Oeuvre Immigrée).

Les groupes de FTP-MOI furent créés en région parisienne, en même temps que les FTP, en 1941. Ces groupes seront constitués par les membres de la Main-d'œuvre immigrée : des étrangers communistes vivant en France et ne faisant pas partie du PCF.

Les FTP-MOI sont particulièrement connus à travers les épisodes du procès de 23 membres du groupe de Missak Manouchian et de l'Affiche rouge. Le procès se déroulera devant le tribunal militaire allemand réuni à l'hôtel Continental à Paris le 15 février 1944 ; il durera entre deux et quatre jours ; après une délibération de trente-cinq minutes,  le verdict suivant sera rendu :

             - 23 accusés sont condamnés à mort : en l'absence de possibilité d'appel, 22 d'entre eux sont fusillés sans délai, le 21 février, au fort du Mont-Valérien ; l'exécution d'Olga Bancic est suspendue pour supplément d'enquête. Rejugée le 10 mai 1944 à Stuttgart, elle est de nouveau condamnée à mort et immédiatement exécutée par décapitation.

            - 1 accusé, Migratrice, est transféré devant une juridiction française.

 

***


"l'Affiche Rouge" à l’école...

 

           Or, à propos des 70 ans de cette Affiche Rouge... Benoit Rayski historien, écrivain et journaliste nous rapporte ceci : « Etant l'auteur d'un livre sur le sujet  (l’Affiche rouge), j'étais invité pour en parler devant des élèves d'un lycée professionnel de Mantes-la-Jolie. Avant que je n'entre dans la classe, la prof m'a pris à part. "Je pense que ce serait mieux si vous vous absteniez de dire qu'ils étaient juifs. Vous pourriez vous contenter de dire qu'ils étaient immigrés et étrangers. Vous comprenez, avec la Palestine et tout ça…". J'ai tout de suite compris. Et avant qu'elle me suggère de dire que les combattants de la FTP-MOI étaient, comme ses élèves, "issus de la diversité", j'ai tourné les talons."

 

         Benoît Rayski a tourné les talons ; politique de l’assiette vide : on vous convie autour d’une table, on vous promet un repas historique stimulant  pour … in fine,  vous laisser sur votre soif : soif d’héroïsme, soif de courage… soif de sacrifice, soif de figures tutélaires, soif  d’Histoire peut-être aussi… à un âge où l'on regarde encore vers le haut à la recherche de quelque chose de plus grand que soi : l’adolescence. Car, ce n’est que plus tard, bien plus tard, que l’on regarde droit devant soi, intéressé que par soi, soi et sa tribu seuls ou sa classe sociale, soi et son petit confort, peinard et sans histoires justement.

             Ce qu’on doit déplorer  dans cette affaire déplorable, c’est le fait suivant : Monsieur Rayski a été dans l’incapacité de communiquer autour de cette "Affiche" sans avoir à décliner l'appartenance ethnique d’une partie des fusillés ; appartenance qui est aussi la sienne.

Car enfin, l'engagement de ces patriotes qui n’avaient pas la nationalité française  (ils étaient espagnols, polonais, « arméniens », hongrois, roumains, italiens) ne suffit-il pas largement à expliquer et à justifier une intervention en milieu scolaire dans le cadre de l’enseignement de cette période historique : celle de la Seconde guerre mondiale et de la résistance à l’occupation allemand ?

Oui ! Cela est amplement justifié ! Mille fois oui !

Monsieur Ravski a donc tourné les talons au prétexte qu'une enseignante qui est sans doute plus près de l'idée que l'on se fait de la République que quiconque... de par son engagement au quotidien auprès d'une population difficile - sacrifice qui ne vous vaudra aucune remise de médaille ni aucune reconnaissance des cercles parisiens jeanfoutres et donneurs de leçons - a jugé bon de lui déconseiller de préciser qu'une partie des 22 fusillés « morts pour la liberté et la France » était juive.

Ah ! Parler des autres pour mieux parler de soi... soi, encore soi, toujours soi… on n’en sort pas… jamais ! Soi pour soi… matin, midi et…… soi….r !  Péché d’orgueil ! Encore l’orgueil ! Mal placé au demeurant.

            Force est de constater que les intentions de Monsieur Ravski n’étaient pas "pures" - ou désintéressées si l'on préfère -, car enfin, en quoi l’appartenance ethnique d’une partie des 22 fusillés nous renseigne sur ce qu’étaient les groupes de FTP-MOI ?

 De plus : qui pouvait bien avoir besoin de savoir qu’une partie d’entre eux était bien plus juive que polonaise ou hongroise ?

Quant à cette enseignante... ses recommandations ont très certainement fait prendre conscience à notre conférencier d'un jour auprès d'une population méprisée et reléguée (1), et alors qu'il se tenait sur le seuil de la porte d'une classe de lycée technique de Mantes-la-Jolie, qu'il était sur le point de se tromper d’histoire : des juifs auraient été fusillés parce qu’ils étaient juifs;  ou bien encore : ils étaient résistants parce que juifs.

Rien n'est plus faux bien évidemment : une partie des 22 fusillés ne l'a pas été parce qu'elle était juive ; tous les fusillés l'ont été parce qu'ils étaient résistants. Ils n'étaient pas davantage résistants parce qu'ils étaient juifs mais parce la France, leur refuge, était occupée par ceux-là même qui les avaient contraints à quitter leur pays respectif. 

             Orgueil froissé, c'est alors que Rayski a tourné les talons… dans un acte manqué d’une rare transparence et évidence car, dans le cas contraire, ce Monsieur aurait fait face… en s'effaçant justement, avec pour seule motivation : apporter à ces lycéens ce dont ils pouvaient avoir besoin (et à ce sujet, cette enseignante a simplement cherché à assister notre conférencier d'un jour auprès d'une population méprisée et reléguée, dans sa démarche, et non... à le dépouiller de son appartenance ethnique) ; Rayski et son appartenance ethnique se seraient donc effacés et son auditoire aurait quitté une classe grandie et exaltée parce que Rayski leur aurait alors compté l’histoire universelle de la résistance à l’oppression et à la barbarie ; résistance qui ne connaît  pas de frontières ni d’apriori défavorables de classe ou d’ethnie à condition, bien évidemment, qu’il soit question de célébrer avant toute autre préoccupation, le sacrifice d’une résistance farouche face à la menace de la mise en esclavage de l’espèce humaine.

             Sachez une chose Monsieur Rayski : ceux qui ont de bonnes raisons de craindre le froid parce que... le plus souvent socialement délaissés et méprisés, reconnaissent au premier coup d’œil celui qui, des beaux quartiers, est venu tirer la couverture à lui, une fois encore, une fois de plus... une fois de trop sans doute.

Pour faire sa leçon comme on fait la classe, il faut en avoir longtemps goûté toute l'amertume : celle de la vérité qu'on se doit à soi-même  aussi cruelle et dérangeante soit-elle : c'est là un premier devoir.

Aussi Monsieur Rayski, merci d'apprendre à recevoir et à connaître avant de prétendre donner à savoir et à comprendre.

On ne sermonne pas les disgraciés ! On retrousse ses manches, et l'on descend  les retrouver dans la fosse aux lions de la pauvreté et de la relégation...  et à la seule force de ses bras, on les tire un par un hors du gouffre, jusqu’à la pleine lumière, là où la force du fort rayonne sans entrave et sans arrière-pensées car, c'est de gladiateurs dont on n'a aujourd'hui besoin ! Pas de fiottes qui gémissent entre deux chroniques et sermons indécents parce que... hors sujet.

Dans le cas contraire, on a qu'un devoir : se taire !

 

1 - Population scolaire issue de la colonisation et de ses crimes, population victime de discrimination en tous genres, population méprisée par les médias et contre laquelle tout est pratiquement permis (voir la carrière médiatique d'un Zemmour, d'un Finkielkraut, Charlie Hebdo...), population qui a fini par trouver une estime de soi dans la religion musulmane faute de pouvoir l'acquérir auprès de nous tous, population appartenant à une ethnie cible depuis une 20 d'années en particulier, d'un projet géo-politique de destruction d'une région qui s'étend de l'Afghanistan à la Libye, cause de la mort et de la fuite de millions d'individus (sanctions économiques, bombardements massifs), population humiliée par une politique étrangère d'une France incapable d'infliger des sanctions exemplaires contre un Etat qui n' a de cesse d'humilier, de voler et de massacrer ceux qu'elle considère être ses "frères palestiniens" - nommément Israël...

 

Pour toutes ces raisons, rappelons une nouvelle fois ceci : ceux qui viennent prêcher un "devoir de mémoire" qui a le défaut ... aujourd'hui érigé en vertu, d'être très très sélectif (en effet, ce devoir semble ne concerner que l'épisode qui touche les Juifs européens au cours de la Seconde guerre mondiale) ne sont pas autorisés à exiger quoi que ce soit de cette population scolaire et l'on ne peut que la soutenir dans son refus d'assister à la quasi négation du sort qui a été et qui demeure le tien.

 

Dans les faits, il n'y a qu'une manière d'enseigner l'histoire du XXè siècle, et celle de ses catastrophes humaines en particulier, c'est de les enseigner toutes :  de la Grande guerre (et ses motifs : rivalité entre puissances impérialistes et commerciales sur les marchés mondiaux), des goulags russe et chinois aux crimes de la colonisation et ceux perpétrés durant les guerres de libération - de l'Algérie au Vietnam -, sans omettre d'y inclure un Nouvel Ordre Mondial étasunien et israélien d'essence criminelle (avec le soutien des Etats européens complices) aux millions de morts arabes et musulmans. 

Faute de quoi, on ne peut que soutenir cette population scolaire qui refuse d'être "enseignée" par des individus qui ne peuvent prétendre à aucune légitimité morale et intellectuelle ( en effet, ces individus sont de fervents soutiens au "nouvel ordre mondial" décrit plus haut à travers leur allégeance inconditionnelle à Israël), des individus dépourvus de l'autorité nécessaire d'autant plus que leur démarche à tous n'a qu'un souci : entretenir une stratégie victimaire  - qui poursuit trois buts : politique, économique et culturelle - principalement à travers la culpabilisation et le chantage. 

  

***

 

     Léo Ferré... sur le poème d'Aragon "l'Affiche rouge" ; un Aragon qui nous parlera à propos des 22 fusillés... de patriotes, de résistants...  de "morts pour la France".

Il se gardera bien de décliner les nationalités et le pedigree ethnique de ceux qui se sont battus...

Certes, n'est pas Aragon qui veut.

 

          Allez Monsieur Rayski, encore un effort, vous y êtes presque !

 

 

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