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Le meilleur de Serge ULESKI : société, politique, art et culture

Etre au monde, oui ! Mais sûrement pas de Ce monde ! Plus de 18 années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs, aujourd'hui sur Overblog... Durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités. Bonne découverte à tous !

L’homme sans qualités de Robert Musil : 1800 pages de graphorrhée

                        Notez que Robert Musil était autrichien de 1880 à 1942. Après... allez savoir !

 

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    Lecture d’un extrait de l’œuvre L'Homme sans Qualités (Der Mann ohne Eigenschaften, commencé en 1918 ; resté inachevé, paru en 1930 pour le premier volume) qui confirme pleinement notre diagnostic : belle exemple de graphorrhé (scribomanie) : définition  ICI

 

Traduction française : Seuil, Paris 1957-1958, 13x18,5cm, 4 volumes brochés. 1800 pages

 

***

 

 

             

 

 

 

         

Musil, autrichien, c'est surtout un physique : dureté, amertume ; et puis sans doute aussi… désir de puissance (contrôle et domination) resté inassouvi.

 

 

              Ulrich, personnage titre, personnage au centre de cette oeuvre est sans aucun doute un symptôme qui a pour origine Musil et sa pathologie

Frankenstein de la littérature, la créature de Musil, ce Ulrich, n’est pas pour autant un montre mais bien plutôt un non-être : Ulrich n’existe pas. C’est la raison pour laquelle la philosophie n’a rien pu en faire - contrairement à un Bartleby de Herman Melville  ; sans doute la création littéraire le plus important de notre ère moderne (Ulysse pour des temps anciens, don Quichotte, Macbeth et Richard III plus près de nous) ; ceux qui s’étonnent que les philosophes n’aient pas « commenté » Ulrich sont eux-mêmes manifestement ignorants du caractère pathologique de l’émergence de cette figure en littérature ; littérature planctonique en ce qui concerne cette œuvre invisible qui ne nourrit que les baleines ; comprenez les lourdauds du commentaire livresque tel un Frédéric Joly en mal de génie, en panne d’inspiration fertile et pertinente.

Ceux qui s’évertuent à nous dire à quel point ce personnage d'Ulrich est capital pour notre compréhension du monde mériteraient que l’on s’interroge à leur sujet…

 

                        

                 Frédéric Joly " Robert Musil - Tout réinventer" biographie de 576 pages consacrée à Robert Musil : ici en entretien à propos de sa parution 50 minutes durant lesquelles on peine à pouvoir s’accrocher à cet auteur Musil et par voie de conséquence à son biographe du moment.

Notez ce commentaire d'un internaute sur Youtube : « Comment expliquer le faible nombre de réactions , tant après la conférence que sur YouTube ? »

L’explication est toute simple : le biographe est incapable de donner corps à l’auteur, à son existence, à son personne Ulrich... à l’image de ce qu’est cette œuvre de Musil. 

 

                  Personnage au service d’une littérature intangible, fantomatique, insaisissable, invertébrée, amphipode, laiteuse, transparente qui ne réfléchit donc aucune lumière ( littérature des ténèbres, des gouffres, des abysses de l’existence), ni dent, ni griffe, ni bec, ni croc, ni toxine, sorte de limace, translucide, gélatineuse, littérature de camouflage...

A propos de cet Ulrich qui échappe à toute attention sérieuse, si nul ne peut l’attaquer, en revanche, les plus médiocres de la profession de critique littéraire, à l’exception de quelques brillants esprits qui s’y sont laissés abusés, s’y attelleront pour sûr ! Par snobisme en moutons de Panurge car manifestement, pas de carrière pour ceux qui s'aventureraient à proposer un diagnostic désobligeant sur Musil et son personnage d'homme sans qualités ; pour cette raison, il ne peut que s'agir d'une œuvre destinée en priorité à des « critiques littéraires » en mal de pertinence, de sens, de contenu, de projet, de direction mais lucides quant à leur avenir dans la profession qui est la leur.

 

         Soit. De la définition même de l’auteur, "l’homme sans qualités" est un homme qui se compose de qualités sans homme.

Arrangez-vous avec ça !

Doit-on alors comprendre qu’il s’agirait d’un homme doté d’attributs, un homme doté de qualifications (un homme intervenant dans la vie "en qualité de" et aussi "à titre de") seuls et seulement ? Un homme sans âme donc, sans fondations, sans passé, sans histoire, sans responsabilité, sans éthique, sans avenir ?

Ce à quoi l’auteur aspirerait, personnellement, aux dires d’une partie de ceux qui le commentent ? Pas même. Car aucun commentateur de Musil ne semble capable de définir d’une manière convaincante cet « homme sans qualités ». D’où le malaise persistant. D’où cet engouement pour un personnage indéfinissable dans lequel ceux qui vivent du travail des autres (les critiques littéraires) se complaisent, impuissants mais bavards ; et c'est alors que l’indéfinissable ouvre les portes d’une projection de soi dans l’œuvre d’autrui, sa vie, son oeuvre et la compréhension que tous peuvent prétendre en avoir.

Fatras existentielle de premier ordre, exégèse après exégèse, qui peut seulement comprendre que Musil annonce la mort de la littérature et la naissance pour une existence éphémère de ce qu'il est convenu d'appeler "le nouveau roman" : celui des enculeurs de mouches... à merde qui plus est (Robbe-Grillet en tête, gentleman farmer de la littérature : tweed, col roulé, Range Rover) !

Organisme translucide, tout le monde pense pouvoir se soigner avec cette œuvre ; soigner leur inconséquence et leur incapacité à pouvoir exister intellectuellement, conceptuellement, littérature-ellement…

Ectoplasme… méduse… littérature gluante, littérature liquéfiée, littérature gazeuse mais non pétillante… leptocephalus...

Un détail qui n’en est pas un : Musil n’avait aucune considération pour les auteurs de sa génération et pas des moindre : pensez à Thomas Mann, Zweig par exemple, car Musil cultivait une haute opinion de lui-même ; complexe de supériorité à son paroxysme ; quasi reclus, il n’écoutait que ce qu’il avait à écrire. Complexe qui a pour origine une existence auto-centrée, qui s’auto-dévore à coups de phrases sans fin car sans début ni direction dans leur développement ; existence, oeuvre condamnées à une impasse : celle de l'éreintement car toutes les énergies s’épuisent un jour même celle de la folie : on n’en peut plus alors d’en être de cette folie, de cette supercherie.

Le piège se refermera toujours sur ceux qui ont vu en Ulrich un personnage digne d’être commenté (re-Frédéric Joly) d'autant plus que tous s’avèrent n’avoir rien à communiquer qui serait le fruit d’une expérience véritablement humaine et donc tragique ; d’où l’ennui, puis à terme, le fou-rire que toute attention à cette œuvre provoque chez ceux qui ont vu toute l’inconséquence de cette énergie dépensée en pure perte.

Musil aura donc cherché la petite bête sans jamais la trouver. L'oeuvre restera inachevée.

A force d’une littérature sans tain - voir sans être vu -, on se condamne à écrire sans être lu.

 

     Conclusion

 

Si un homme, ça s'empêche, un auteur aussi.

Les scribes n’écrivaient pas, moines de leur état : ils recopiaient.

Souffrant de graphorrhée aigüe, Musil, le renfrogné, aurait dû s'en tenir à cette tâche ; la copie de textes religieux et des œuvres de l’Antiquité dont leurs manuscrits, soigneusement calligraphiés et reliés, s’enrichissaient d’images raffinées : les enluminures.

Enluminer la littérature ? Ambition hors de portée d'un Musil, c'est sûr ! 

 

 

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