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Le meilleur de Serge ULESKI : société, politique, art et culture

Etre au monde, oui ! Mais sûrement pas de Ce monde ! Près de 20 années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs ; durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités. Bonne découverte à tous ! Pour tout contact : uleski@yahoo.fr

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Serge ULESKI en littérature : "Transit" - extrait

          Les personnages principaux de cette pièce de théâtre en un acte sont les suivants : un juge, un philosophe, un syndicaliste et un député.

Autres personnages : un médecin, un infirmier, une jeune femme et un tire-au-flanc manchot (bras droit amputé).


           Le lieu : la salle commune et vétuste d'un foyer d'hébergement.

 

***

 

Le député. (s'adressant au juge) - Alors, comme ça, vous étiez juge ! Mais... qu'est-ce qui vous est arrivé alors ? (il réfléchit) Non, ne dites rien. Je sais. Je sais. Je vais vous le dire. Ca nous fera gagner du temps. Après, vous me direz si j'ai raison. Bon. Le philosophe, lui, il en avait marre de prêcher dans le désert. Tant pis pour lui ; et puis, dans la vie, faut choisir : soit la philosophie, soit la prêtrise. (jovial, sur le ton de la plaisanterie) Une remarque, quand même à son sujet : il était pas bien malin votre philosophe. Il aurait dû savoir que les gens ne supportent plus les prêches ! Que ce soit dans les églises ou bien, dans le désert. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils n'y mettent plus les pieds ! Non ! Ils n'y mettent plus les pieds mais... les pneus ! Oui, les pneus dans ce désert ! Seulement les pneus ! En 4X4 ! Vous voyez, mine de rien, je comprends les choses. Mais bon... pour en revenir à vous ! Vous et votre situation ! Eh bien, je crois que je sais ! Oui, je sais Monsieur le juge ! Je devine. Et puis, j'imagine aussi. C'est facile. Il suffit pour ça de se mette à votre place. Alors, si le philosophe... lui, en avait ras la casquette de ce monde d'imbéciles à qui il est si facile de faire croire qu'on est arrivés alors qu'on n'est même pas encore partis... quand on sait en plus qu'il n'est même pas question d'y aller... eh bien, moi je peux vous dire que vous ! Oui vous Monsieur le juge ! Vous en aviez très certainement ras... mais... ras la casquette de passer votre temps à condamner les uns et à relaxer les autres... parce qu’un matin où vous aviez toute votre tête, et même si ça vous a pris vingt ans pour le comprendre et puis, parce qu'il n'est jamais trop tard pour se réveiller quand on passe son temps à dormir sur sa bicyclette, le nez dans le guidon à pédaler quinze heures par jour, eh bien, un jour que vous étiez tout spécialement en forme, vous vous êtes rendu compte que c'est toujours les mêmes qu'on condamne et toujours les mêmes qu'on relaxe... et qui se détendent et qui partent en thalasso ! Ceux qui ont la santé, justement et qui n'en ont pas besoin ! (après un temps) Alors ? C'est bien ça Monsieur le juge ? N'est-ce pas ? C'est bien ça ? Oui ? Non ?


Le juge. (ton détaché et sans regarder le député, bien évidemment !) - Ne perdez pas votre temps.
 

Le député. - Moi, perdre mon temps ? Vous ne me connaissez pas ! Je ne perds jamais mon temps. Jamais ! (après un temps) Tenez ! Et puisque vous n'avez pas l'air très convaincu par ma première explication, j'en ai une autre pour vous ! Elle vaut ce qu'elle vaut mais... bon ! Vous me direz si je me trompe et si c'est froid ou chaud ou si je brûle ! D'accord ? Alors, écoutez plutôt ! Toujours au sujet de votre casquette et même si vous n'en portiez pas ! N'empêche ! Donc, un jour, vous en avez eu ras... mais ras... ras la casquette d'envoyer en prison des petits délinquants à trois balles sachant qu'ils ressortiront pires qu'avant... alors... que des délinquants à trois milliards, eux ! courent toujours, tout ça parce qu'on ne vous donne pas les moyens de les rattraper et même... de les dépasser pour aller en chercher d'autres, ailleurs, plus loin, toujours plus loin et plus haut aussi, toujours plus haut et tout ça parce que ces gens prennent des substances illicites et vous pas ! Alors, pas de médailles aux Jeux Olympiques pour vous le petit juge ! Pas... et puis, jamais ! (après un temps) Mais... Monsieur le juge, si je peux me permettre : il y a une chose que vous avez oubliée ! Oui, oubliée, cette chose, tête en l'air que vous  êtes ! Souvenez-vous et puis, rappelez-vous : l'important c'est de participer. Oui, Monsieur le juge : l'important, c'est de participer et de courir après eux mais pas... surtout pas… de les rattraper parce que... personne ne vous demande de rapporter des médailles. Gros bêta que vous êtes ! Non ! Personne ! (un ton au-dessus avec hargne) Et puis, pourquoi faire ? Hein ? Franchement ! Pour embarrasser tout le monde, leur foutre la honte à tous et à nous… nous donner la gerbe ? (après un temps) Alors ? Monsieur le juge ? Que pensez-vous de celle-là ? Elle est bien bonne, non ?
 

Le juge. (ton détaché, sans regarder le député) - N'insistez pas ! Je n'ai rien à vous dire.
 

Le député. - Dans ce cas, vous m'excuserez mais... j'ai pas fini. Tenez ! (sur un ton agressif) Une dernière pour la route, Monsieur le juge ! Mais... attention, elle est salée celle-là, je vous préviens ! Salée et gratinée ! (après un temps) Écoutez ! J'vais vous dire : vous... oui ! vous Monsieur le juge, vous avez envoyé en prison un pauvre type qui s'est pendu avant l'arrestation du vrai coupable parce qu'il était innocent finalement ce coupable innocent et pauvre type que vous avez envoyé en prison et qui s'est pendu ! (en colère, crescendo et en accélérant) Normal ! L'instruction avait été bâclée parce que... tout le monde est débordé ! Les dossiers s'entassent sur les bureaux et puis, arrive un moment où il faut bien en finir avec eux... et trancher dans le vif avant de leur rentrer dans le lard à tous ces ploucs et ces peine-culs ! Pas vrai, Monsieur le juge ? Alors ? Sordide Monsieur le juge, tout ça ! Bien sordide ! (très en colère) Vous voyez ! Je sais comprendre les choses finalement ; les comprendre et puis, les deviner aussi. Alors, j'ai pas raison ?
 

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Pour prolonger, cliquez : Transit - synopsis

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