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Le meilleur de Serge ULESKI : société, politique, art et culture

Etre au monde, oui ! Mais sûrement pas de Ce monde ! Près de 20 années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs ; durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités. Bonne découverte à tous ! Pour tout contact : uleski@yahoo.fr

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Serge ULESKI en littérature : "Cinéma, de film en film" - extrait

Cinéma qui ne cessera jamais de hanter nos mémoires... sons, images, voix, musiques, lieux, acteurs, réalisateurs, auteurs, scénaristes, compositeurs, décorateurs, monteurs (le plus souvent monteuses), chefs opérateurs...

 

         Cinéma d’hier, de demain, encore à naître...

           Et puis, l’autre Cinéma… cinéma mort-né déjà perdu pour tout le monde : films dont les scénarios dorment à jamais au fond des tiroirs ou dans l’imaginaire de ces mêmes auteurs, cinéastes et producteurs.

 

         Le Cinéma nous offrira toujours plus que ce qu’il nous donne à voir, à entendre et à comprendre. Art métaphysique par excellence,  quand il y a « cinéma », il y a… transcendance, toujours !

          A la fois indéfinissable et irrésistible, avec le Cinéma, ce à quoi nous sommes confrontés est bien plus grand que nous… spectateurs, bien plus grand, et bien plus haut aussi : transcendance donc, et puis… immanence, car cette imposante confrontation avec tous les réels qu’est le cinéma, nous est bien destinée ; et c’est ensemble que nous cheminons.

 

Aussi… à chacun son cinéma !

         Et c’est alors qu’on pensera à un FILM UNIQUE qui réunira tous les films... pour que jamais on n'en soit séparés et qu'on ne les oublie...

 

         Jean Cocteau, fragile et irremplaçable, après de longues années rares et précieuses,  livrera son Testament, empruntant Orphée à sa mythologie et sa légende.

           Un Cocteau à l’origine d’une œuvre qui touche au fantastique et au merveilleux : l’invisible, et puis l’homme dans un environnement idyllique.

On chavire très vite pour ce concerto pour violon de Bach, et pour cet homme superbe à 70 ans,  marchant le long d’une route où l’on croise sans

surprise des centaures, quelque part dans les Baux de Provence pour un film à la craie sur un tableau en noir et blanc.

            Comment oublier le regard de Marie surnommée Casque d’Or, yeux écarquillés à la vue de son amant le jour de son exécution à   l‘aube ; elle aura veillé toute la nuit ; effarée, sa tête tombera avec celle de Serge Reggiani : lui, sous la guillotine, elle, écrasée sous le poids d’un désespoir incommensurable, fidèle jusque dans la folie de ce spectacle morbide. De la vie, elle n’en sera désormais que le fantôme.

 

          Dans L’Aurore de Murnau, un petit bout de femme en pleurs, Janet Gaynor , n’aura qu’un désir : se faire oublier, ne plus exister pour personne, tapie au fond d‘une embarcation précaire, après la tentative d’assassinat par noyade de son mari.

Cette aurore nous mènera très vite, sur une musique de Moravioff digne du plus beau des cauchemars, à Nosferatu, nouvelle figure maintenant immortelle du cinéma, qui boira jusqu‘au chant du coq sa propre mort sans toutefois épargner sa dernière proie et victime sacrificielle.

          Avec Fritz Lang, tout juste rescapé de la cité Metropolis engloutie par les flots, c’est Peter Lorre alias M le maudit, parti à la rencontre du rôle de sa vie, qui confessera dans une langue allemande déjà terrifiante – nous sommes au début des années 30, la malédiction qui l’habite et qui fait de lui un tueur en série infanticide, brandissant des mains coupables, suppliant à genoux ses juges et bourreaux de l‘épargner, dans la poussière d’un sous-sol investi par la pègre… anti-chambre du nazisme.

          Peter Brook aidé de Marguerite Duras délaissera un temps le théâtre pour nous offrir et nous servir sur un plateau en argent massif,  Moderato cantabile, avec un Jean-Paul Belmondo rare et placide, un peu à la manière d’un feu sous la cendre, et une Jeanne Moreau pour souffler sur les braises.

         Automne, hiver - saisons de tout ce qui meurt -, arbres rachitiques sur fond d’estuaire, celui de la Gironde, tout à l’image de la vie que l’on y mène, le cri final de Jeanne Moreau pareil à celui d’un condamné à mort à la lecture de sa sentence, restera à jamais le cri d’une bête mortellement touchée, au moment où son maître lui re-passe son collier autour du cou, et alors qu’elle avait bien cru pouvoir s'en défaire.            

          

            Nicolas Roeg avec son injonction Don’t look now qu’on aurait assurément tort de prendre à la lettre  - car, il nous faudra bien finir par le regarder ce film -, nous livre avec le concours de Daphné du Maurier, le film parfait ; film sur lequel on pourra sans fin se retourner même si, dans sa traduction française, le titre nous le déconseille fortement : “Ne vous retournez pas !”

Mais... voyez ! C’est déjà le couple dans Venise et Venise qui habite ce couple indissociable et inséparable mais... perdu l’un pour l’autre ; tout comme cette ville livrée à la pollution et à la décrépitude, déjà condamnée.

            Déjà coupable et jugé comme tel, Anthony Perkins sera les larmes de Kafka, les violons d’Albinoni, et l’orgue... sa voix quand elle murmure. Il lui arrivera encore de sourire... mais d’un sourire d’une ironie et d’une lassitude infinies dans Le Procès  réalisé par Orson Welles ; et si le couteau a cédé sa place à quelques bâtons de dynamite en guise de bombe, - mais pas n’importe laquelle : celle d’Hiroshima -, personne ne s’en plaindra, pas même Joseph K dont le dernier éclat de rire nous conduira sans transition à don Quichotte et à Sancho Panza aux images d’une qualité frustrante ;  en effet, les bobines du film, éparpillées aux quatre coins de l’Europe, ont été conservées dans de conditions déplorables.

            Imaginez-vous cela ! De ce don Quichotte, aucun des protagonistes ne verront la version montée, et le premier d‘entre eux, son créateur, Orson Welles, puisque le film ne sera présentée au public qu’après leur disparition à tous, bien des années plus tard.

 

           C’est maintenant Michel Simon qui s’apprête à servir respectivement Jean Renoir et Jean Vigo dans La chienne, Boudu sauvé des eaux et L’Atalante.

Etrange ce corps qui ne se voit pas lui-même, comme invisible à lui-même. Sans grâce ni disgrâce, il n’est pas au monde ; il est ailleurs ce corps de Michel Simon tantôt trop lourd, tantôt trop grand, décidément encombrant, tout comme ce visage sans âge, hors du commun, aux contours et aux traits indéfinissables.

            Née pour jouer, Annie Girardot, belle de jour comme de nuit, sèmera le chaos dans la famille de Rocco et de ses frères alors que Visconti n’a d’yeux que pour un Alain Delon langoureusement étendu sur un lit, torse   nu ; plan furtif qui en dira long sur le regard qu’un réalisateur est capable de porter sur un de ses acteurs, par le truchement de sa caméra, voyeur et envieux.

 

            Quelques années plus tôt, c’est Vicente Minnelli qui viendra nous subjuguer avec The Band Wagon, convoquant un autre Fred Astaire, toujours aérien certes mais... sans Ginger Rogers, car, le temps a passé et nous sommes en 1953.

Métamorphosé Fred Astaire dans une chorégraphie pour voyous et femme  fatale ! Pas n’importe laquelle : Cyd Charisse, les plus belles jambes et le plus beau galbe de sa génération.

Est-ce l‘influence du danseur et chorégraphe Gene Kelly dont la voix n’aura rien à envier à personne, même sous la pluie, dans les mélodies de l’auteur

Arthur Freed et du compositeur Nacio Herb ?

Écoutez encore ! C’est Gene Kelly qui entonne un “You were meant for me” destiné à une Debbie Reynold subjuguée et qui n’a que 17 ans.

 

 

          Avec Blow-up, Antonioni et son personnage de photographe professionnel David Hennings alias Thomas,  mettront à mal  notre capacité à ne jamais douter d’une réalité, même et surtout, irréfutable, agrandissement après agrandissement d’un horizon aux confins du probable et de l’improbable, jusque dans les dernières secondes lorsque le regard de David Hennings disparaît là sous nos yeux,  définitivement absorbé par une révélation qui s‘avérera salvatrice...

Et alors que se joue à proximité, sans raquettes ni balle, une partie de tennis mimée par deux joyeux drilles entourés de gais lurons ; partie de tennis qui sauvera notre photographe des angoisses de ne plus pouvoir partager avec quiconque la vue - d’aucuns parleront de “vision“ -, d’un corps sans vie découvert étendu au pied d‘un buisson, assassiné par balle et dont il ne reste plus aucune trace au petit matin.

L’impossibilité de partager cette découverte et le risque d’un enfermement dans une incommunicabilité psychiquement dommageable, cette partie de tennis et la participation active de

David Hennings les annuleront d’un coup d’un seul, puisque notre photographe prendra une décision qui le sauvera : il retournera aux deux mimes qui la lui réclament, une balle invisible sortie du cours ; décision qui lui fera prendre conscience de l’existence d’une possibilité jusque là insoupçonnée : ce qui est peut très bien ne pas avoir été et vice versa.

En effet, cette partie de tennis fantôme auquelle il a prêté son concours comme par inadvertance, lui offre maintenant la possibilité choisir une autre réalité qui n’aura besoin de l’assentiment de personne : non ! ce corps sans vie étendu dans un parc au pied d'un buisson n'a jamais été ! (d'autant plus que cette découverte est sans témoin et qu'il n'en reste aucune preuve matérielle)...

Oui ! cette partie de tennis sans balle ni raquettes a bien lieu ici et maintenant... (nombreux sont ceux qui peuvent en témoigner)...

Antonioni prenant là quelques risques avec la raison en nous suggérant que toutes les réalités se valent pour peu que l'on y souscrive et que l'on ne soit pas le seul... car le nombre sanctifie, et a fortiori, le ralliement au plus grand nombre... nous apaise.

        

         Cinéma, cinéma, de salle en salle, de film en film…

         Et encore plus de cinéma avec Ernst Lubitsch né à Berlin en 1892 et Billy Wilder, né en Pologne en 1906…

Un Ernst Lubitsch européen jusqu'au bout des ongles, aux influences hongroises, allemandes et anglaises ; et un Billy Wilder satirique et corrosif avec "Front page" : portrait sans concessions des journalistes de la presse  et de caniveau, et de la presse... tout court

Tous deux indécrottables humanistes, moralistes sans prêchi-prêcha, éternels optimistes, en cinéastes des sans-grades, des humbles et des petits... porteurs d'une promesse pour ici et maintenant : les derniers seront les premiers ! Il suffit pour cela de patienter non pas une éternité mais une heure trente : le temps d'un film.

Deux maîtres incontestables de la Comédie... aux scénarii et dialogues d'une écriture d'une exemplarité et d'une efficacité redoutables, jamais égalées.

Certes, le rajout de Woody Allen s'imposerait sans l'ombre d'un doute, et celui de Mel Brooks aussi (en particulier, pour son film "Les producteurs")... à ceci près : réalisateur-acteur... force est de constater que Woody Allen est trop souvent intéressé par Woody Allen seul ; préoccupation en opposition frontale avec la tradition humaniste, altruiste et non égoïstique de Lubitsch et de  Wilder ; tradition avec laquelle Mel Brooks, réalisateur-acteur, sera le premier à rompre. 

 

            Cinéma, cinéma, de salle en salle, de film en film…

 

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Pour prolonger, cliquez : Synopsis

 

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