19 Novembre 2019
Un tantinet démagogique sur un plan communautaire, voire ethnique, le titre du dernier film du réalisateur Jacques Audiard, Un prophète, est très certainement destiné à surfer mais... à contre courant, sur la vague anti-musulmane, ou plus particulièrement... islamophobe puisque rien dans le scénario ne justifie vraiment une telle Annonciation et un titre aussi alarmiste.
Et bien que ce film ne soit somme toute qu'une curiosité de très bonne qualité (Audiard est plutôt coutumier du fait ; un des rares en France ; et c'est déjà ça !) car il lui manque ce qu'il manque à 95% des films qui sont produits en France depuis de lustres, aussi saurons-nous nous montrer magnanimes, à savoir, sur un plan métaphysique : une transcendance qui hisserait artistiquement (et pas seulement au sens esthétique) Un prophète au-dessus de son propre sujet pour mieux entrer dans une autre dimension apriori insoupçonnable ; celle du mystère qui, en Art, désigne la capacité de la forme comme du fond à signifier bien plus qu'ils ne disent.
C'est alors que ce qui nous serait donné à voir, à entendre et à comprendre ne serait pas simplement ce qui faut justement voir, entendre et comprendre.
Et tous les grands cinéastes n'y échappent pas (et le spectateurs-témoin non plus) ! Fellini, Coppola, Cassavetes...
Tahar Rahim
Non ! L'intérêt de ce film est ailleurs.
Un prophète a l'immense mérite - et c'est sans doute là qu'il faudra chercher la justification du titre du film - de nous révéler un acteur : Tahar Rahim... non pas dans ce qu'il est (le film lui accorde un rôle plutôt ingrat) mais dans ce qu'il sera si le cinéma lui prête une longue vie.
Al Pacino, de Niro, au même âge ? Plus proche de nous géographiquement et culturellement : Alain Delon des années 50 et 60 ? Impossible toutefois d'anticiper de quel côté, à la maturité de l'acteur, la balance penchera, même si l'on sera tenté de trancher en faveur d'Al Pacino car, il en a potentiellement "la classe" et l'intensité : accidentellement sans doute, dans "Le prophète", certains plans furtifs nous le suggèrent...
Et pour peu que le cinéma lui offre des rôles à sa hauteur, Tahar Rahim devra trouver au plus vite son Coppola et son Abel Ferrara.. (et non un sous-Scorsese ou de Palma - ces derniers jouissant déjà d'une réputation plus qu'usurpée entretenue par une critique paresseuse, complaisante et aveugle)...
Et là, on peut craindre le pire étant donné l'état du cinéma français.
Aussi...
Bonne chance à vous, Tahar Rahim, après ce film-prophète, puisqu'il vous aura révélé !
________________
Pour rebondir et prolonger... cliquez Cinéma, de film en film