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Le meilleur de Serge ULESKI : société, politique, art et culture

Etre au monde, oui ! Mais sûrement pas de Ce monde ! Plus de 18 années d’édition de billets de blog sur 20-minutes, Médiapart et Nouvelobs, aujourd'hui sur Overblog... Durant toutes ces années, sachez que tout ce qui est beau, rare, difficile et courageux ne m’aura pas été étranger ; d'où le choix de mes catégories et des sujets traités. Bonne découverte à tous !

Israël et le colonialisme : finalement, l'être humain n'a-t-il pas toujours cherché à vivre sur le dos de son voisin ?

                                                Vidéo ICI

 

                Si la colonisation de la Cisjordanie (et de Jérusalem-est) est illégale aux yeux du droit international et des résolutions de l'ONU, et s'il a toujours appartenu à l'Etat israélien seul de désigner qui sera autorisé à s'installer dans une illégalité légale, avec cette jeune femme dont il nous est proposé de faire la connaissance un court instant, on nous présente un autre cas de figure : une installation illégale aux yeux de l'Etat israélien même ; une sorte de couche supplémentaire dans l'illégalité.

Il est bon de savoir que la colonisation de la Cisjordanie s'est aussi développée dans le cadre d'une politique du fait accompli (action irréversible) menée par des colons religieux sûrs de leur bon droit (Torah d'une main, flingue de l'autre) car on l'aura compris : à terme, l'Etat israélien intégrera ces colonies à toutes les autres tout aussi illégales mais au regard de la communauté internationale seulement.

Le droit c'est un peu comme le paradis : il peut bien attendre - "Heaven can wait !"


 

***



Mais alors, que dire de cette jeune mère de six enfants qui, sans sourciller, présente le travail accompli sur une terre qu'elle, sa famille et d'autres occupent en toute illégalité... double illégalité comme on vient de le voir.

Le discours de cette jeune femme sous-entend, sans jamais l'expliciter, que sa religion décide de ce qui est légal, de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas ; religion qui annule toute idée de justice, de légalité, de droit et de devoir.

Eux tous, lorsqu’ils sont sereins, sans haine dans leur insouciance (absence de souci), dans leur absence aux autres aussi (mais néanmoins... on ne peut plus présents à eux-mêmes comme aurait dit C. Bobin), et plus encore lorsque ces «autres » sont jugés vraiment tout autres… au sujet de leur confort à tous, de leur sérénité, on ne peut ressentir qu’un sentiment proche de la consternation pour tous ces êtres qui n'ont aucune idée de ce qu'est la justice des conditions d'existence pour tout un chacun et la légitimité de son rappel.

Une véritable infirmité ce manquement, cette incapacité... que seule la religion qui charrie aussi de l'idéologie - politique qui plus est -, ou bien plutôt... les religions sans distinction, sont capables d'infliger à la raison et à toute considération d'ordre humaniste.

Arendt a évoqué "la banalité du mal" à l'occasion du procès d'Eichmann à Jérusalem en 1961.

On a eu les camps... on les a encore ! Notez que cette jeune femme est entourée de clôtures ; elle ne s'en étonne même pas car elle sait tout au fond d'elle... que sa situation fruit d’un engagement supra-terrestre (le Dieu du judaïsme : religion-ghetto ; religion-barbelé ?), nécessite un tel encadrement, un tel environnement, un tel accommodement.

Un beau monstre cette femme, très femme au demeurant ! Femme à la fois d’un très grand archaïsme et d’une très grande modernité (être mutant ?) dans sa négation de ce nouveau fardeau en particulier (tellement l’être humain y rechigne) qu’est la nécessite d’une responsabilité morale individuelle et universelle envers le genre humain ; responsabilité dont la maturité doit tout aux événements de la Seconde guerre mondiale ; responsabilité que cette mère de famille piétine allègrement avec insistance, comme pour mieux l'enterrer, en toute impunité.

La religion c'est plus fort que tout ; c'est la guerre faite au genre humain finalement ; cette part du genre humain en trop ; celle qui en est exclue parce qu'elle est étrangère à ce à quoi l'on appartient ; cette part dont il faudrait pouvoir se débarrasser mais sans entendre ses râles, ses cris, ses hurlements de colère et de douleur et sans la vue d'une goutte de sang ; et c’est là que réside la modernité de cette jeune mère de famille à « la tripe sensible sans doute mais le cœur dur » comme aurait dit Bernanos dans les années trente.

La modernité sait nous rendre aveugle et sourd en nous saturant, en noyant nos consciences ; naufragés nous sommes alors ; les médias y contribuent comme jamais.

Il n'y aura pas une minute de silence pour cette part en trop de l'humanité , pour cette "nuisance d'humanité"... où qu'elle soit puisqu'elle est jugée superfétatoire.

On vole la vie des autres, on tue tous les jours, à petit feu ou bien dans le fracas des bombes… tout le temps ! Et quand, avant de s'éteindre, dans une dernière colère, elle en rajoute, elle en fait vraiment trop, maintenant barbare - car si le bourreau a besoin de se faire discret jusqu'à se faire oublier, la victime, elle, a besoin de hurler son martyre - ... cette vie que l'on vole car on ne cesse pas de lui faire les poches et de s'en abreuver...vampires... c'est alors qu'elle est doublement disqualifiée, congédiée : "Ne vous l'avait-on pas dit qu'ils n'étaient pas comme nous tous !"

Si le monde est sans solution, s'il est un labyrinthe, s'il ne connaît aucune porte de sortie... à l'image de cette jeune femme nommée Rachel - on oubliera un instant ceux qui n'en éprouve même pas la nécessite - c'est que nous savons tous nous trouver de bonnes raisons d'être ce que l'on choisit de devenir ou du moins, ce que l'on peut cultiver comme illusion au sujet de la liberté de ce choix qui a pu être le nôtre ; d'autant plus que l'être humain, de tout temps, n'a-t-il pas toujours cherché à vivre sur le dos de tous les autres, sur leur mort physique, mentale ou bien sociale, dans un "Pousse-toi de là que je m'y mette !" dévastateur ?

C'est bien ce qui le distingue de l'animal.

Les victimes d’hier font d’admirables bourreaux aujourd’hui. Rien de surprenant à cela : la victime jalouse toujours son tortionnaire car si elle veut sortir de sa condition qui est la sienne c'est aussi pour mieux épouser celle de son bourreau ; cette victime n'a alors qu'une hâte : qu'il soit jugé ce bourreau afin de prendre sa place... encore chaude de cris, de hurlement, de douleur et de mort.

Aussi...

Au terme de ces soixante dernières années... il faudra bien se résoudre au constat suivant : la création de l'Etat d'Israël (et sa "gestion") aura été le tombeau intellectuel et moral de toute une communauté. 

Faut-il y voir là un nouvel exemple de ce qu'est l'ironie de l' Histoire, de ce dont elle est capable... ironie qui n'épargne aucun peuple, aucune nation... ironie cruellement tragique ?

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